Nos avocats prennent la parole
La révolution numérique exige des règles claires pour le citoyen
J’ai eu l’occasion de m’exprimer sur la cagnotte mise en ligne au nom de la famille du policier dans cette affaire dramatique où le jeune Nahel a été tué à la suite d’un refus d’obtempérer. 1.635.710 euros ont été collectés sur la plateforme GoFundMe en quelques jours ! Le descriptif de la cagnotte : « Soutien pour la famille du policier de Nanterre, Florian.M qui a fait son travail et qui paie aujourd’hui le prix fort. »
Dans le contexte, le montant ahurissant de la cagnotte choque. Est-ce légal ?
En droit français, la cagnotte doit être conforme à l’ordre public. Elle ne peut servir pour payer des condamnations déjà intervenues (article 40 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse).
La conformité à l’ordre public est interprété par les tribunaux. Dans l’affaire du « boxeur gilet jaune », le tribunal judiciaire de Paris avait jugé le 6 janvier 2021 que la cagnotte était contraire à l’ordre public car elle incitait à l’usage de la violence contre les forces publiques. Le contrat était annulé et il était demandé de restituer les dons.
Qu’en est-il lorsque la force publique tue ? Bien entendu, dans notre état de droit, le policier a le droit absolu à la défense. Est-ce l’objectif de la cagnotte ? Le montant collecté ne pose-t-il pas question ?
L’interprétation des tribunaux sera d’autant plus compliquée dans l’affaire Nahel que la famille a choisi de porter plainte pour escroquerie en bande organisée et recel de cette infraction… La légalité de la cagnotte fera-t-elle partie des débats ?
Dans une réflexion plus générale, la révolution numérique et le bouleversement des usages induits par la technologie, demande des règles claires pour le citoyen, pour tout usager. A tous les niveaux. Des règles claires de protection et d’usage doivent être posées. Elles doivent être accessibles et compréhensibles. On ne devrait pas se poser la question de la légalité de la cagnotte mise en ligne pour le policier. Elles ne doivent pas passer par l’interprétation des tribunaux…